Avis de la Direction-Protection de la santé de la Force
CANFORGEN 160/12 CMP 017/12
Le 18 mai 2012, un médecin-chef d’une base a informé la Direction – Protection de la santé de la Force (DPSF) de trois cas de rhabdomyolyse nécessitant une hospitalisation; l’un de ces cas nécessitait une dialyse pour une insuffisance rénale aiguë. Dans deux des trois cas, les personnes concernées avaient effectué un entraînement « CrossFit md», un entraînement physique intense (EPI), avant d’obtenir leur diagnostic. Les trois cas provenaient de la même base et les personnes concernées se sont présentées à la clinique médicale sur une courte période, soit entre mars et mai 2012.
La plupart du temps, la rhabdomyolyse d’effort (RE) est signalée chez les haltérophiles, les athlètes d’endurance et le personnel militaire (particulièrement chez les recrues). Elle est associée à une morbidité considérable en termes de perte de temps de service, d’hospitalisation et de traitement médical. Bien que peu d’études ont examiné le fardeau lié à cette maladie dans les populations civiles et militaires, une récente étude descriptive reposant sur les données des hôpitaux et de l’administration de la composante active des Forces armées américaines a permis de déterminer une augmentation de 70 % du diagnostic de RE de 2006 à 2010. L’étude indiquait que les membres du personnel les plus susceptibles de développer une RE étaient des hommes de moins de 26 ans, afro-américains, ayant une durée de service de moins de 90 jours, ayant déjà eu des malaises causés par la chaleur et n’ayant pas été déployés pendant la période de l’étude. (Référence A)
Puisque la RE peut être associée à des complications mettant la vie en danger, une enquête préliminaire a été entreprise afin de cerner les autres causes possibles de rhabdomyolyse au sein du personnel des FC et de déterminer l’ampleur du problème. Les rapports de laboratoire indiquant un taux élevé de créatine kinase (CK) de plus de 4 000 U/L tirés du Système d’information sur la santé des Forces canadiennes (SISFC) ont été utilisés afin de dépister des cas additionnels. Vingt-et-un autre cas ont été cernés entre avril 2011 et mai 2012. Un examen des dossiers médicaux a permis de constater que 18 de ces 21 cas avaient participé à une forme quelconque d’exercice, à un programme d’entraînement ou à une compétition. Les documents figurant dans 10 des 18 dossiers médicaux mentionnaient le programme CrossFitmd comme un facteur de risque possible. Vraisemblablement, ces chiffres ne représentent qu’une sous-estimation de l'incidence réelle de la rhabdomyolyse puisqu’on a relevé seulement les cas graves (c.-à-d., les cas de CK de plus de 4 000 U/L, les cas nécessitant une attention médicale dans un établissement médical des FC et les données de laboratoire distincte sont accessibles uniquement dans environ la moitié de tous les emplacements d’utilisation du SISFC).
La popularité des EPI (comme CrossFitmd, P90xmd et Insanitymd) s’est accrue au cours des dernières années. Ces programmes se caractérisent par des exercices fréquents, répétitifs et de grande intensité; les périodes de repos entre chaque série ou cycle sont très courtes et il y a peu de temps de récupération entre les périodes d’entraînement. Certains EPIs n’encourage pas les participants à accroître progressivement leurs charges de travail afin de s’adapter à l’entraînement. Le personnel des FC qui s’adonne à ces activités d’entraînement n’a peut-être pas les connaissances nécessaires pour adjuster les periodes de repos en fonction de l’activité afin de prévenir les blessures ou les maladies qui peuvent être associées avec les EPIs. Un nombre disproportionné de blessures comme des claquages musculaires, des entorses, des fractures de stress et de la rhabdomyolyse associée aux EPI ont été cités dans les rapports isolés et les études de cas. Cependant, jusqu’à présent, peu d’études ont examiné la relation entre les EPI et les blessures. (Référence B)
Les responsables des Programmes de soutien du personnel (PSP), de la Direction – Conditionnement physique (DCP) et de la DPSF n’appuient pas les EPI pour les raisons énumérées au paragraphe 4. La DCP a examiné les EPI et a intégré certains des avantages reconnus dans ses programmes d’entraînement physique. Afin de réduire les risques de blessures, la DCP a aussi élaboré une séance de formation pratique pour l’entraînement tactique des athlètes, laquelle informe et forme le personnel des FC sur la manière d’exécuter des techniques sécuritaires complexes d’haltérophilie que l’on retrouve souvent dans les EPI (p. ex., épaulé et arraché). De plus, deux cours (Moniteur adjoint d’éducation physique – Niveau élémentaire (MAEP [NE]) et Moniteur adjoint d’éducation physique – Niveau avancé (MAEP [NA])) sont offerts aux membres du personnel des FC intéressés à assurer la sécurité et l’efficacité des activités d’entraînement physique de l’unité. Le personnel local d’entraînement des PSP peuvent également fournir des renseignements et des conseils sur les principes de sécurité en matière d’entraînement et sur d’autres programmes d’entraînement qui intègrent les principes de la doctrine d’instruction acceptée.
En s’appuyant sur les résultats de cette première enquête, il est recommandé de demander le type, la frèquence, la durèe, et la date du début de toute activité physique ardue entreprise récemment, y compris la participation à des EPI comme CrossFitmd, aux patients qui présentent des douleurs musculaires, des faiblesses, de l’œdème, une amplitude limitée des mouvements ou une urine foncée. Pour les patients qui ne présentent pas de traces d’urine foncée, un diagnostic différentiel de RE peut quand même être considéré s’ils ont récemment fait des activités physiques intenses (y compris CrossFitmd), plus particulièrement les patients qui ont soudainement accru leur niveau d’activité. Une analyse de sang appropriée, y compris le CK sérique, devrait être faite. (Références C et D)
Il est recommandé de conseiller les patients et de les informer sur les dangers des EPI et sur les facteurs d’atténuation permettant de prévenir la RE (p. ex., progression graduelle de l’entraînement, hydratation adéquate, périodes de repos appropriées, prise en considération des effets de la chaleur et de l’humidité et entraînement personnalisé). On devrait également référer les patients à leur personnel local d’entraînement des PSP pour obtenir des conseils sur l’entraînement physique sécuritaire et efficace. (Références B, E et F).
Le Groupe des services de santé des FC continuera de recueillir des renseignements détaillés sur les cas actuels de RE. Les nouveaux cas devraient être signalés à la DPSF par courriel à +DFHP Iinquiries@CMP DGHS@Ottawa-hull.
Les demandes concernant le présent avis doivent être envoyées à la DPSF de la manière suivante :
a. par courriel : +DFHP Inquiries@CMP DGHS@Ottawa-hull
b. au téléphone : 613-945-6607
Références
A. Hill OT, Wahi MM, Carter R 3rd, Kay AB, McKinnon CJ, Wallace RF. « Rhabdomyolysis in the US active duty army », 2004-2006. Med Sci Sports Exerc., vol. 44, no 3 (2012), p. 442-449.
B. Bergeron MP, Bradley CN, Deuster PA, Baumgartner N, Kane SF, Kraemer WJ et al. « Consortium for health and military performance and American College of Sports Medicine consensus paper on extreme conditioning programs in military personnel », Current Sports Medicine Reports, vol. 10 (2011), p. 383 389.
C. Khan FY. « Rhabdomyolysis: a review of the literature », Neth J Med., vol. 67 (2009), p. 272-283.
D. Huerta-Alardin AL, Varon J, Marik PE. « Bench-to-bedside review : rhabdomyolysis – an overview for clinicians », Crit Care, vol. 9 (2005), p. 158 169.
E. U.S. Army Public Health Command. « What army leaders should know about extreme conditioning programs ». PHN no 0312-01. Sur Internet : http://phc.amedd.army.mil/PHC%20Resource%20Library/PHN_No_0312-01_Extreme_Conditioning_Programs_and_the_Army_2012.pdf
F. USU Consortium for Health and Military Performance, Human Performance Resource Center, Uniformed Services University of Health Services, and American College of Sports Medicine. CHAMP/ACSM executive summary: High-intensity training workshop, avril 2011. Sur Internet :http://hprc-online.org/files/hit-executive-summary